Les Pèlerins d'Yssel

Les Pèlerins d'Yssel

mercredi 3 octobre 2012

"Comment tu fais pour écrire ?"

    On me demande toujours : "Comment tu fais pour écrire ?".

   Et bien avant d'écrire, je rêve beaucoup. Je rêvasse, je m'évade, je m'émerveille. Je travaille ainsi des scènes, des dialogues, je construis mon univers, j'organise et distribue les émotions qui me viennent, puis je prends des notes quand je tiens quelque chose qui "pulse". Mes lecteurs/correcteurs me disent que j'ai une écriture très cinématographique. Outre mes lectures et la musique, en tant qu'enfant du siècle il est évident que je suis influencée aussi par les images qui courent sur nos écrans de télé et d'ordi.

     Lorsque j'attaque l'écriture, je commence par créer un dossier par livre, puis un fichier word par chapitre. Dans chacun, je couche l'intrigue en prises de notes, je recopie ce que j'ai écrit sur papier et fais un tri. J'ai ainsi plusieurs romans en attente. Au moment de la rédaction, je ne crains donc pas le "vertige de la page blanche". J'organise les différents passages selon les personnages et les contraintes spacio-temporelles. Puis je crée les dialogues ainsi qu'ils découlent de mon esprit pour leur donner un côté vivant et percutant. Je rédige ensuite l'action et les descriptions (le corps de l'histoire) au fil de la plume et en essayant de suivre le déroulement du chapitre, puis je comble et améliore les dialogues en fonction.
     Je suis toujours fascinée lorsqu'au fil de l'écriture, l'un de mes héros décide de prendre une autre direction que ce qui était prévu dans mon plan initial. Mes personnages tombent amoureux ou se détruisent sans que cela soit ma volonté de départ : mon inconscient me parle à travers eux. En tant que créateur, il est parfois amusant, mais le plus souvent déroutant, de voir que mes créatures se rebellent et s'approprient mon roman, qui devient leur histoire : ils vivent par eux-mêmes, toujours avec justesse. Je renonce parfois à vouloir suivre mon plan originel à tout prix ; je décide de me faire confiance et de suivre mon instinct créatif. Au fur et à mesure que je déroule la pelote de mon imaginaire, j'explore les méandres de mon esprit fécond et je découvre les trésors de ma vie psychique : je leur donne vie dans mon histoire.
    Lorsque je termine un chapitre, je le corrige une première fois sur word, puis une deuxième fois sur papier. Ensuite je le soumets à mon correcteur / contrôleur réalisme / premier fan : mon compagnon. Suivant ses avis et après de nouvelles modifications, je confie mon manuscrit complet à quelques amis qui font office de béta-lecteurs, de correcteurs et de critiques. Prenant en compte leurs modifications, je corrige une dernière fois mon œuvre en entier avant de l'éditer. Malgré ce travail, il m'arrive de découvrir encore avec horreur de nouvelles coquilles. Hélas, mes lecteurs/correcteurs - de vrais lettrés de par leurs études et leur profession - m'ont fait exactement le même retour : sur un tel volume de pages, il est difficile de s'atteler à une correction rigoureuse lorsque l'on est plongé dans un univers fantastique fascinant et transporté par une histoire aussi captivante ! Je suis désolée si cela nuit à votre lecture et je vous assure de mes efforts pour améliorer mes œuvres. 

     Pour m'aider dans la rédaction j'ai créé un fichier spécial coordination spacio-temporelle : un tableau qui me permet de visualiser où sont mes personnages et ce qu'ils font en parallèle les uns des autres. De nombreux héros œuvrent au cœur du royaume ou en marge, et le réalisme du temps des actions ou des trajets est pour moi une chose très importante.
   Afin de m'orienter dans les univers que je construis, j'ai dessiné une carte géographique à main levée. Mesurer la distance entre les villes et les lieux m'aide à affiner la coordination des personnages et des événements. L'illustratrice Clémence de Chambrun s'est proposée de redessiner ces cartes afin que je puisse les intégrer à mes formats papiers (je pense que nombre de lecteurs louerons cette initiative) ; nous travaillons encore sur ce projet à l'heure actuelle.
    J'ai également mis en place une frise chronologique générale pour organiser les événements ayant eu lieu sur plus de deux-mille ans, de manière à plonger le lecteur dans un vrai monde ayant déjà eu une histoire avant le temps du roman. J'attache beaucoup de soin à la création de mon univers et à sa cohérence, car celles-ci influent sur les actions des personnages et leur psychologie ; les descriptions architecturales et les digressions historiques contribuent énormément à l'ambiance dans les villes, notamment dans la vieille capitale de Castelclayr. Pour donner envie de lire à un lecteur, je pense qu'il faut lui laisser la liberté de s'approprier le roman, en faisant à son tour travailler son imagination. Suggérer un monde immense plutôt que de le décrire, donner faim plutôt que de rassasier, est pour moi une obligation. De la même manière que je ne pourrais jamais explorer toute ma psyché en une seule vie, aucun de mes romans ne sera décrit en entier, aucune de mes histoires ne sera totalement terminée.
     Impossible de parler d'une famille royale dans faire son arbre généalogique, ce qui est chose faite pour les Clayroy des Pèlerins d'Yssel.
     Et pour mieux s'attacher aux nombreux personnages, j'ai aussi mis sur pied un lexique. Ainsi je peux me rappeler du caractère d'un héros sur lequel je n'ai pas écrit depuis longtemps ; je cible les mots récurrents avec lesquels je l'ai décrit pour rester peu ou prou dans le même vocabulaire. ce travail de compilation a été très utile lorsqu'il a fallu que je me rappelle quel œil était vert chez mon chevalier aux yeux vairons. Ce lexique me sert aussi pour me repérer dans mon univers et pour me rappeler ce que j'ai pu oublier sur divers sujet comme la description d'un lieu, les particularités d'une race ou d'un peuple, l'organisation d'une ville et son histoire, les principes et les dogmes des religions, les institutions des différents royaumes, les noms et les attributs des étoiles saintes, et les pures inventions comme des termes de la langues elfique ou les propriétés du métal nommé "elférium". J'espère que mon projet de partager cet imposant "vadémécum" sous forme de livre illustré verra le jour. L'illustrateur Ronnie Bella - que je salue au passage - et moi-même sommes déjà en train d'y réfléchir.

    Ecrire est donc à la fois une affaire d'inspiration, de passion, de patience mais surtout d'organisation : c'est indispensable pour un roman ayant autant d'ampleur que les Pèlerins d'Yssel, par exemple. On m'a souvent fait remarquer la longueur de mes romans (700 pages pour Les Vengeurs) et conseillé de faire plus court, argumentant sur le fait que cela serait plus vendeur. Mais je n'écris pas pour faire du "buziness". Je n'écris pas pour rentrer dans les cases toutes belles et toutes propres de ce que les gens "attendent". Tout conseil est bon à prendre, mais pas celui-ci. J'écris comme je respire, comme j'aime et comme je rêve. Ce que je recherche dans l'écriture, c'est à me faire plaisir et à partager cela avec d'autres. J'ai une imagination débordante, une inspiration prolifique, une approche globale et complexe de mes univers romanesques : pourquoi me retenir si ça plait à certains ? Une œuvre n'est jamais consensuelle, alors pourquoi chercher à tout prix à coller à la "normalité" dans la forme tant dans le fond - et censurer mes scènes érotiques explicites, par exemple ? Pourquoi céder à la soif de "consommation" des lecteurs ? Pour vivre de ses écris ? Je suis jeune auteur, j'ai tout mon temps avant d'être reconnue un jour...

     J'écris depuis que je sais tenir une plume, car je rêvais avant d'avoir su écrire. A six ans je réécrivais avec mes mots et mes fautes d'enfant les contes et les légendes que l'on me racontait. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'un don inné. L'astuce, c'est de ne jamais perdre sa capacité à rêver, et d'avoir du courage. Beaucoup de courage ! J'aurais très bien pu abandonner l'écriture - mon rêve d'enfant - et me consacrer à autre chose. 

    A la mort de mon père, lorsque j'avais 13 ans, la lecture de romans fantastiques a été un refuge, une sauvegarde. De même, écrire a été un moyen de survivre et d'exprimer ma douleur. J'écrivais car je ne pouvais ni pleurer, ni saigner. J'ai trouvé écrit chez d'autres auteurs des peurs et des peines sur lesquelles je ne parvenais alors pas à mettre de mots. La structure de certaines histoires m'a permis d'organiser ma vie intérieure psychique et émotionnelle. Certains héros sont même devenus des exemples : s'ils pouvaient surmonter les épreuves qui leur étaient imposées, alors moi aussi. Entre mes 13 et mes 18 ans, je n'avais qu'un but : finir ce premier roman et ne pas me "foutre en l'air" tant que cela n'était pas terminé. Il a fallu que je sois un temps renfermée sur moi-même pour pouvoir m'ouvrir aux autres. Mais n'est-ce pas le propre de l'adolescence et de tout travail intellectuel et psychique ? En organisant cette première œuvre intitulée la Seconde Guerre des Dragons, je me suis construite, j'ai fait le tri en moi-même, transformant astucieusement de lourds fardeaux en héritage brillant. Lorsque j'ai eu assez de courage et d'assises, j'ai fermé les livres et je me suis plongée "dans la vraie vie".
   Aujourd'hui, mon tour est venu d'apporter ma contribution au monument de la Fantasy. Rendre à ma manière ce qui m'a été donné. Ce qui était un refuge et un garde-fou contre mes pulsions de destruction, est maintenant un moyen de transmettre ma force, ma lumière et mon expérience à d'autres. C'est aussi toujours un exutoire, un espace d'expérimentation de tous les possibles ! Peu importe que je devienne célèbre ou riche avec mes écrits : s'ils peuvent inspirer, éclairer et accompagner d'autres personnes dans leurs heures sombres ou heureuses, j'aurai alors rempli ma mission sur terre... Ma plus grande inspiration, c'est vous !

"- Alors, comment tu fais pour écrire ?"
"- Je vis !"

C'est peut-être à cause de l'été...

Lettre à mes personnages de roman :

"Chères créatures, pas plus que dans le monde des bisounours je ne vous ai créés dans l'univers de l'île de la tentation. Je sais que la fin du monde d'Adir est proche et certains d'entre-vous se sentent tiraillés par d’extraordinaires pulsions de vie. C'est bien normal, me direz-vous, c'est humain, ou lunarel, si vous voulez. Mais de là à transformer mon roman médiéval-fantastique en revue X, non merci. Merci de me préserver de cette tare dont sont affligés un trop grand nombre d'auteurs, hélas. Gardez le contrôle de vos hormones afin de me ménager un plus large public de lecteurs. Ne dépensez pas toute votre énergie en de vaines étreintes sulfureuses parce que vous en aurez besoin très prochainement lorsqu'il vous faudra fuir devant le Pèlerin vengeur et les silths démoniaques. Certains d'entre-vous cumulent déjà des addictions à l'alcool et aux bains, cela suffit ! Enfin, sachez qu'il reste encore 3 tomes avant la fin ultime et que si tout se passe bien, chacun aura un petit passage érotique lui étant réservé (pour ceux qui survivent à l'attaque des morroïs seulement) pas la peine donc de faire des pieds et - surtout - des mains pour tous tirer votre coup dans le tome 2.
Merci. Je vous adore et pense bien fort à vous tous et toutes.
 
PS : Pardon pour toutes les tortures et horreurs que je vous inflige, mais c'est pour la bonne cause et le best-seller. Bisous."

Lettre rédigée le 2 Juillet 2012, au moment de la rédaction du tome 2.

mardi 2 octobre 2012

Le dernier (?) combat de Moéva d'Arézar.

Bonjour à toutes et à tous !
Voici un petit extrait pour inaugurer ce blog. J'espère qu'il vous plaira et qu'il vous donnera envie de lire bien plus !

« La clameur des vainqueurs résonnait dans la passe, couvrant les derniers hurlements de combat et d’agonie. Mais la bataille n’était pas terminée. Certains Pillards Pourpres se réunirent pour un ultime acte de bravoure désespérée. Ils assaillirent Moéva de toute part, plantant leurs lance
s dans la chair de Démon-Gris, le fier étalon qui la portait. Le cheval ruait sauvagement pour écarter les ennemis, indifférent aux flèches et aux piques qui le faisaient ressembler à une pelote d’épingles. Il virevoltait sur ses sabots, projetant ses fers à tous les visages. Les tempes, les mâchoires, les épaules explosaient sous sa rage. Secouée, penchée sur l’encolure imbibée de sang, Moéva ne voyait plus rien. Accrochée d’une main à la rude crinière, son autre poing solidement ancré au manche de son épée, elle tailladait à l’aveuglette tout ce qui se dressait au bord de son regard souillé de cendres, de sang et de sueur. Vidé de son sang, Démon-Gris finit par s’écrouler dans la lumière rouge des brasiers. Les hampes des lances craquèrent sous son poids énorme. Comme il entrainait sa cavalière sur le sol, Moéva bondit in extremis de sa selle. Sortant sa dague de sa main gauche, elle tomba sur un pillard et lui ouvrit la gorge pendant que son corps amortissait sa chute. La guerrière eut à peine le temps de se dégager du cadavre que d’autres ennemis fondaient sur elle. Le souffle court, elle roula sur un tas de corps déchiquetés. Elle se releva sur un genou. Poussant un hurlement inhumain, quelqu’un vint s’empaler sur ses deux lames brandies… »

Les Pèlerins d’Yssel : tome 1, les Pécheurs, chapitre 7.

Si vous désirez en savoir plus sur le personnage de Moéva, suivez ce lien !

Merci pour votre lecture !
A très bientôt !