Les Pèlerins d'Yssel

Les Pèlerins d'Yssel

vendredi 30 novembre 2012

Pendant ce temps... au temple de Lunel

     
Un mois que le premier tome des Pèlerins d'Yssel est publié sur la plateforme Kindle ! Déjà une douzaine de ventes ! Youhou !

     Pour fêter l'événement, remercier mes lecteurs, mes abonnés et tous ceux et celles qui me soutiennent, qui aiment et croient en mon œuvre, mais aussi pour encourager d'autres futurs fans à me lire : voici un nouvel extrait rien que pour vous !
     Encore merci pour vos achats, vos partages et vos encouragements !


     "Un rideau blanc cachait l'intérieur du temple aux regards de l'extérieur. Saerra disparut derrière celui-ci.
Restée dehors, la guerrière observa la curieuse façade. Les murs lisses étaient tachés de motifs colorés sur environ deux mètres cinquante de hauteur depuis le sol. A y regarder de plus près, on découvrait avec stupeur des traces de mains d
e toutes tailles, sous lesquelles étaient gravés les prénoms de leur propriétaire. Chaque nom était précédé d'un cercle s'il s'agissait de celui d'une femme, d'une croix s'il s'agissait d'un homme, et d'un nombre qui indiquait l'âge ; il était aussi terminé par un nombre désignant l'année de la marque et du sigle de la profession de la personne. Les traces de main à mi-hauteur du mur étaient les plus anciennes ; toutes ces dates-là remontaient à plus d’un siècle. Les noms étaient presque illisibles pour la plupart. Moéva s’en désintéressa et leva les yeux. En haut de la fresque, [...] Faena, Da… Moéva sentit son cœur se contracter dans sa poitrine glacée ; elle cligna des yeux. Son souffle se tarit dans sa gorge. Par Callios… Faena, vingt-quatre ans, Dame d'Yssel, avait marqué le temple de son empreinte quatre mois auparavant. Avant de s'embarquer pour Sinabel, avant d'y laisser sa vie, broyée sous le poids de son propre cheval convulsé et dévoré par les flammes, elle avait trempé sa main gauche, celle avec laquelle elle avait dégainé son épée en chargeant l'ennemi, dans de la peinture bleue : le pouce tendu, les doigts écartés. Quand on l'avait extraite des cendres, ils étaient rétractés… Moéva serra les dents, les yeux voilés de visions macabres. A son réveil de Sinabel, elle avait tenu à ce qu'on lui raconte le sort de chacune de ses sœurs d'armes tombées au champ d'honneur. Et comme il en avait été dans les Ravins-Argent, il en était de même sur la façade du temple : Shakil côtoyait son amie d’enfance Faena. Les triplées Mabae, Ladenne et Nayab, formaient un triangle étroit, doigts tournés les uns vers les autres, tels le furent leurs yeux vides quand on les voila. Pamara la solitaire se tenait à l'écart de toutes. Et Mirlia, l'insatiable amante, avait posé sa marque à moitié sur celle d'un homme inconnu, comme la veille de la bataille, à un comptoir d'auberge…
     – Madame ? Allez-vous bien ? répéta la fille d’Ogrard.
     Debout au seuil du temple, Saerra sentit son corps frissonner d'inquiétude. La guerrière était face au mur, le bras tendu en hauteur et la joue collée contre le mur ; elle lui tournait le dos et donnait l'impression que ses jambes allaient fléchir et se dérober sous elle d'une seconde à l'autre. De sa main tremblante, elle effleurait les paumes peintes comme si celles-ci allaient la brûler.
Extraite de ses pensées par la voix de la jeune fille, Moéva laissa lâchement tomber son bras le long de son corps et se retourna d'un bloc. Sa minute de faiblesse était passée. Son visage impassible et son regard implacablement digne heurtèrent la lunarelle qui, mal à l'aise, s'essuyait frénétiquement les mains dans un chiffon humide. Plus exactement, sa main droite était couverte de peinture verte. Moéva fronça les sourcils ; elle posa de nouveau sa main sur le mur et demanda :
     – Qu'est-ce ceci ? Que signifient ces marques ?
     Surprise par la voix de la guerrière, étrangement calme et presque emprunte de douceur, Saerra balbutia :
     – Ce sont des preuves d'existence… Une main pour un individu. Pour chaque victime de la folie humaine. Ceux qui partent, avec dans leur cœur l'ombre de la mort prochaine, viennent ici pour que le monde témoigne de leur vie et de leur souffrance.
    Moéva tourna son regard vers les traces des mains de ses anciennes sœurs d'armes. On prétendait que les lunarels possédaient un sixième sens qui les avertissait à l'avance de leur mort. Mais qu'en était-il de la petite Saerra ? Quel réel et sombre pressentiment l'avait conduite à apposer son empreinte sur le temple ? Ce voyage jusqu’à Fort-Tombes était une folie, Moéva le savait pertinemment. Saerra en savait davantage. La guerrière scruta cette dernière au fond des yeux ; les reflets apeurés qui troublaient les iris argentés ne lui apprirent rien de plus."
Les Pèlerins d'Yssel, tome1 : Les Pécheurs, chapitre 4, Adieux et Rapière.



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