Les Pèlerins d'Yssel

Les Pèlerins d'Yssel

mercredi 7 août 2013

L'érotisme dans les Pèlerins d’Yssel.

    Faut-il un article entier pour mettre  les choses au point ?
      
     Les Pèlerins d'Yssel est l’œuvre de ma maturité actuelle ; c'est un récit écrit par une adulte pour des adultes de tous âges, oui, avec des vrais morceaux de sexe et de vie dedans ^^. 
      Ayant été surveillante (A.E.) dans un lycée polyvalent publique de plus de mille cinq cent élèves, je peux vous assurer qu’aucune des scènes érotiques contenues dans mon roman ne choquera un adolescent de 15-16 ans ! Quelle hypocrisie de croire que nos chers ados sont encore ingénus et impressionnables avant d'avoir passé leur bac ! Jeune fille esseulée par un deuil précoce, mes premières approches de la sexualité (et de la complexité des rapports entre les genres et les générations) se sont faites grâce à mes lectures de Fantasy, naturellement en douceur, et de manière intelligente et ludique.
     
     En France l’heroic fantasy est considérée comme un sous-genre, totalement indépendamment de son énorme succès ; elle est hélas assimilée de manière réductrice aux adolescents, ce qui n'est pas du tout le cas chez nos voisins anglo-saxons. Pour preuve, cet extrait de la réponse de la maison d’édition C. – que je remercie au passage pour l’attention sincère et professionnelle qu’ils ont porté à mon manuscrit et pour leur réponse bienveillante et constructive – : « [Votre manuscrit ] a relevé de belles qualités d'écriture, mais les scènes érotiques sont plutôt destinées à un public adulte, le récit à un public plutôt adolescent. » Décryptage : mon roman ne rentre donc pas dans les cases éditoriales. Est-ce à dire que chaque lecteur peut y trouver son compte ? C’est plutôt positif, non ? Dans l'Hexagone, les adolescents représentent plus de soixante-dix-pour-cent du lectorat, toutes Fantasy confondues ; on comprendra parfaitement l'intérêt commercial de ne pas mélanger "scènes pour adultes" et "aventures pour ados". Est-ce à dire que la sexualité n'aurait donc pas sa place dans l'heroic fantasy ? Que dire alors du Trône de Fer, dont le succès retentissant ne peut être démenti, et qui contient de nombreuses scènes érotiques ? (N.B. : je n’ai toujours pas lu l’œuvre de Martin, ni regardé la série TV afin de préserver ma relative originalité.) Pardonnez-moi, mais, ce qui fait toute la beauté de l'adolescence, n'est-ce pas la découverte de sa sensualité, la conquête de sa sexualité, la prise en main de son individualité en fantasmant et en vivant ce qui alors n'était jusque là réservé qu'aux adultes : le sexe !? Et cette aventure est-elle réservée uniquement aux ados ? Ne continue-ton pas de se développer et de s'émerveiller de sa propre nature érotique tout au long de sa vie ? Je vous avoue, j'ai cependant décidé de tenir compte des remarques de la maison d'édition C. et aucune scène érotique explicite n’apparaitra dans le premier tome des "Chroniques", mon deuxième projet littéraire, à paraitre début 2014. J'ai bien dit : "explicite" ^^.
     Certains proches bien intentionnés, ayant eu connaissance de la réponse de cette maison d'édition, me disent souvent de couper les "fameuses" scènes et de recontacter l'éditrice, de tenter de négocier avec elle. Premièrement je leur rappelle que le second "point noir" de mon œuvre est sa longueur (tant d'un seul volume que des 8 tomes prévus pour cette saga) trop lourde à gérer pour une petite maison d'édition comme C. Deuxièmement, il n'est pas question que je supprime ces scènes érotiques de mon roman ! C'est aussi cet argument qui m'a poussé vers l'auto-édition. Ces passages explicites m’ont demandé un travail d’écriture particulier. Ils sont au service de la construction de l’histoire ; ils sont nécessaires à la compréhension des personnages. Le sexe fait partie de la Vie, du processus de construction psychique de l'individu, de son positionnement dans la société ; il est le ciment ou le dissolvant des relations humaines et a donc sa juste place dans mon œuvre. Il n'y a aucune volonté commerciale dans l'existence de ces scènes érotiques, aucun goût pour la perversion. Elles sont limitées à deux ou trois par roman ; sur un volume de 400 à 700 pages, ces passages de quelques lignes sont largement anecdotiques.

     Dans l’idéal commun et humain, une relation sexuelle est acte d'amour. C'est un moment à chaque fois unique de concorde, d'harmonie, de sublimation. C'est l'alliance suprême entre deux êtres sans crainte ou culpabilité de soi-même ni peur du jugement de l'autre. Le mental cède la place à l'instinct et celui-ci est dégagé de toute avidité de survie. Les partenaires se sont dépouillés de leur égo pour faire plaisir à chacun. L'acte sexuel est une rencontre, une preuve d’audace et de curiosité, de respect de l’autre et de soi-même. Le choix du partenaire et la manière dont on en prend soin en révèlent énormément sur l’image et l’estime que l’on a de soi-même. Et dans ce dialogue où le sensuel prime sur la parole, tout n'est que perfection dans la volupté. L’accomplissement du désir est moins un but qu'un chemin qui ne peut se découvrir qu'ensemble. D'une certaine manière, l'acte sexuel est apparenté à un acte de Foi. Il faut savoir lâcher prise, renoncer à sa toute puissance, faire confiance et s'abandonner à d'autres mains, être tour à tour le guide et l'être guidé. Les relations de couple "saines" où tout se passe "normalement" voire "idéalement", ne sont pas dépeintes dans mes romans, et ce conformément à l'adage : « Les gens heureux n’ont pas d’histoire ». Quel intérêt de montrer explicitement une scène érotique entre deux êtres en bonne harmonie ? Là, pour moi, ce serait vraiment du voyeurisme. Ces moments intimes de joie et d'amour existent bel et bien, mais ils sont à peine suggérés. Ils n'appartiennent qu'à ceux qui les vivent. Ils ont alors beaucoup plus de profondeur, beaucoup plus de valeur pour moi et le lecteur. Peut-être est-ce ainsi ma manière de respecter et de remercier ces personnages qui supportent ma création...
    Or, je trouve plus intéressant d'écrire sur le décalage entre l'idéal et la réalité parfois crue et cruelle de l'acte sexuel entre deux individus, d'un acte devenu pour certains aussi banal qu'une course en jogging. (N.B. bis : j'ai horreur de cette expression : "le faire pour l'hygiène". Attention, je ne juge pas ceux qui "font l'amour" pour soulager mécaniquement leurs pulsions, mais je me permets de les mettre en scène dans mes écrits.) Voyons cette volonté de montrer les failles d'une telle relation comme une forme de catharsis des émotions négatives que peut susciter une appréhension de telles expériences, au même titre que la peur du handicap et de la maternité non investie ou inaccomplie. Le sexe étant ordinairement associé à la pulsion de Vie, je souhaitais renverser cette vision des choses pour en explorer le côté obscur et destructeur, et mettre en place un vrai travail d'imagination. Suggérer le beau et le bon, décrire le sombre et le pathos. Je ne pense pas puiser mon originalité dans cette distinction, mais au moins aurais-je essayé de pousser la réflexion plus loin que la simple description. Je trouvais un défi à relever dans la mise en scène du désaccord entre les besoins et les envies de chaque individu, de la dissonance des âmes en opposition aux corps qui se lient, du jaillissement inapproprié des constructions mentales négatives et des blessures psychiques à cet instant (la résistance des croyances, la résurgence des peurs, etc.), de dévoiler les enjeux de pouvoir qui polluent les esprits et rongent les cœurs... L'acte sexuel devenant ainsi un moyen d’arriver à leurs fins, voire une arme pour atteindre l’autre et le manipuler. J'avoue que je prends plaisir à mettre à nu mes personnages et à les confronter à leurs faiblesses, à leurs limites ; je voulais révéler le fond de leur âme, faire tomber leur masque au moment le moins opportun, et les exposer à leurs ombres intérieures. 
      Cette démarche n'enlève évidemment rien à la jouissance de la lecture ! Pour ceux et celles qui ne veulent pas se prendre la tête et juste profiter des ces quelques lignes subversives, allez-y, faites-vous plaisir ^^ ! Mais afin de ne pas déflorer le suspens de l'intrigue, il n'y aura pas d’extrait dans cet article.
     
     Permettez-moi une dernière intervention sur la distinction adulte/adolescent. L'histoire des Pèlerins d'Yssel est complexe, envoûtante, car elle suit plusieurs personnages qui diffèrent par leur vécu, leur âge et leur évolution affective et psychique. L’adolescent n'est qu'un adulte en devenir ; s'il ne peut encore vivre en tant que tel, pourquoi l'empêcher de fantasmer ? A vous de juger, chers lecteurs, si les enjeux de mon roman, articulés autour de la thématique de la perte et de la réussite ou de l'échec de la reconstruction psychique consécutive à cette crise existentielle (via un deuils, un handicaps, l'appréhension de la finitude de l'existence, le changement de statu social, etc.) sont uniquement destinés à un jeune public. Personnellement, je ne crois pas. J'ai vraiment construit cette œuvre en tant qu'adulte, pour mes semblables. L'adolescente que j'ai été, l'enfant qui subsiste en moi, s'expriment certainement à travers mes lignes, et il serait gâché, voire impardonnable, de les museler. Les Pèlerins d'Yssel est une aventure de la quête de soi, de la quête du divin en chacun de nous, que poursuivent les personnages, que je poursuis de mon côté, mais aussi les lecteurs, chacun à notre rythme, chacun avec nos attentes et nos expériences, pendant un temps ou tout au long de notre vie. 
      J'ai découvert il y a peu ces propos issus d'une journaliste du Figaro, madame Natasha Polony, dans une lettre datant de 2010 : « Passée l’adolescence, ces jeunes […] restent à jamais figés dans la distraction régressive de l’« heroïc fantasy. » En tant que lectrice et écrivant d'heroic fantasy, j'ai trouvé ces propos insultants. Et que fait-on de Tolkien alors, pour ne citer que lui, qui est étudié dans les pays anglo-saxon comme un « classique » ? Avez-vous eu l’impression de « régresser » pour ceux qui ont lu Lovecraft, Moorcock ou Rice ? Doit-on en conclure que la Fantasy est réservée à des êtres immatures et faibles d'esprit ? 
      Jeune fille, j'ai trouvé dans la lecture de romans d'heroic fantasy le souffle qui me manquait à la mort de mon père. A travers les destinées tragiques et héroïques, j'ai trouvé la force de surmonter cette épreuve et d'être moi-même. J'ai donc pu mieux affronter la Vie, conquérir ma propre existence et forger ma personnalité d'adulte. Bien plus que dans Zola ou Stendhal (même si je suis fan de Thérèse Raquin que je considère comme une œuvre fantastique), j'ai rencontré les mots qui me faisaient défaut pour exprimer ma souffrance (merci à  Mercedes Lackey et ses Flèches de la Reine). C'est le principe même de la résilience ! L'éclectisme en lecture est une richesse, mais la guérison psychique se fout de trouver son baume dans Hugo, Baudelaire ou Hobb ! 
    Ce n'est pas parce que l'heroic fantasy se situe dans un monde imaginaire que les sentiments qu'éprouvent les personnages, et les émotions que les lecteurs ressentent, ne sont pas réels. L'imagination prend sa source dans le réel, dans la culture universelle, dans ce que l'on vit et ce que nous inspirent les autres et tout ce qui nous entoure ou nous dépasse. L'adolescence n'est pas l'âge d'or de l'apprentissage ou des révélations sur le sens de la Vie. La rêverie et la créativité ne sont pas l'apanage de l'enfance ! Je suis certaine que de nombreux adultes seraient enchantés de plonger dans l'univers des Pèlerins d'Yssel pour tout simplement s'évader, rêver et se distraire auprès de Moéva, d'Elvire et de Brillian.

Merci à vous, chers lecteurs pour votre attention. 
N'hésitez pas à partager cet article auprès de vos proches !
A très bientôt !

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