"Un voilage, un pantalon noir, la poitrine à nue, un fond noir et du mouvement : voilà ce qui me permet de laisser aux modèles de s'exprimer par le corps en totale liberté. "
Baptiste Vignasse, Esprit de Brume photographie.
Baptiste Vignasse, Esprit de Brume photographie.
Tout à commencé par une histoire de corset, à une soirée réunissant de bons et joyeux amis. Revenue chez moi, je regarde les photos de Baptiste, pour me faire une idée de son style et là... Il se produit un choc, ou plutôt, une résonance entre mon for intérieur et la série "Voilages". J'ai tout de suite été transportée par la grâce de ces images, envoûtée par leur mystère, saisie par leur contraste entre ombre et lumière, entre le noir du fond, la blancheur des peaux et les couleurs des voiles. Ces modèles ainsi transfigurés étaient pour moi des anges, surgissant des ténèbres avec naturel, superbe et volupté. J'ai eu aussitôt envie de faire partie cet ensemble, comme si quelque chose en moi avait retrouvé sa maison et souhaitait y retourner. Oublié, le corset (pour cette fois). Je me suis abandonnée à mon instinct, confiante et cédant totalement au talent et au professionnalisme de mon ami Baptiste. Et le fait d'être photographiée poitrine nue ne m'est pas apparue dérangeant, car l’œil du photographe n'avait pas de quoi me déranger. Et à tous les réticents ou les choqués, non, je ne suis pas nue : je suis lumière !
J'ai pris beaucoup de plaisir à danser entre ombre et lumière ; cette
séance était une véritable performance artistique qui m'a laissé de
belles courbatures ! Écrire aussi marque parfois dans la chair, lorsque
les yeux fatiguent sur l'ordinateur, lorsque les doigts se crispent sur
le clavier, que la nuque tombe, lourde et raide. Le corps est épuisé
mais l'âme ne cesse d'en vouloir encore : écrire encore et toujours pour
la beauté de l’œuvre et la puissance de la création ! Danser, encore et toujours
pour l'éclat ! Heureuse d'avoir ces voiles colorés pour partenaires, je
les modelais aussi parfois, suivant mon
inspiration. Ils étaient mes outils, comme je peux me servir de mes
peurs ou des mes souvenirs pour créer. Je jouais avec eux comme je
jongle avec mes idées, mes émotions, mes personnages. J'avais une idée
vague du rendu final, mais comment savoir alors quelle
œuvre merveilleuse verrait le jour ? Comme pour les Pèlerins d'Yssel, la réalité a dépassé
mes fantasmes.
Le lien avec l'écriture est cependant venu plus tard, pendant la préparation de la séance photos. Écrire est se dévoiler intérieurement, se mettre à nu, partiellement, c'est mettre en lumière une partie de son âme pour l'incarner dans un personnage ou dans un paragraphe, jouer à la déformer et à en prendre le contre-pied aussi.
Je peux dire sans exagérer ni rougir qu'il fut un temps où écrire m'a sauvée la vie car cela m'a donné un but ; écrire m'a sortie des ténèbres d'un deuil difficile et d'une adolescence mélancolique. Sur ces photos, je me vois renaître, émerger des Enfers avec un cœur neuf, lumineux et débordant de joie. On pourrait dire que Baptiste a su fixer, sans le savoir, quelque chose qui en moi couvait depuis longtemps (c'est vous dire qu'il mérite tous ces éloges !) Ces voiles sont peut-être la matérialisation de mon feu intérieur, le reflet d'un équilibre
aujourd'hui acquis, d'une sérénité retrouvée.
Accepter de se voir nu n'est pas chose psychique aisée. Il faut se faire aussi à l'idée que des inconnus et d'autres verront ces clichés avec leur œil propre, déconnectés de la genèse de ce projet et de nos intentions conjointes entre modèle et photographe ; ils interprèteront
ces images différemment ; ils les jugeront et peut-être me jugeront-ils mal aussi. Cette prise de risque en valait-elle la peine ? Au regard de toute la joie et de toute la lumière ayant découlé de cette séance et de l'admiration de ces belles photos, je dirais que oui.
Éditer, et le faire en tant qu'auteur indépendant, demande le même lâcher-prise, le même courage que de poser nu : partager son œuvre
demande un effort psychique et s'exposer aux critiques n'est pas chose aisée pour l'égo. Mais c'est est une démonstration de force intérieure, la
preuve d'une âme construite et bien assise. C'est aller au bout de sa démarche, au terme de soi, et pousser les portes d'un nouveau commencement. S'ouvrir aux autres et ne pas craindre de se dévoiler un peu est la continuité naturelle, l'aboutissement ultime, d'une ouverture sur soi-même et de l'acceptation de sa vérité intérieure.
Merci infiniment à Baptiste Vignasse, mon ami, d'avoir pu rendre vie à ces rêveries ! J'espère que notre collaboration artistique suivra son cours et que je pourrais vous présenter d'autres projets.
Merci à vous lecteurs pour votre lecture, votre sensibilité et votre bienveillance.