Les Pèlerins d'Yssel

Les Pèlerins d'Yssel

dimanche 23 mars 2014

Esprits errants et âmes damnées dans le monde d'Adir.

  Suite à l'article intitulé "La Vallée Secrète : un passage vers l'Au-delà", voici un petit topo sur les âmes oubliées du repos éternel.

   Lorsqu'un être meurt sur Adir, son âme est attirée par le pouvoir des Gardiennes, les Llawynynes. Leur chant uni l'éclaire et lui permet d'accéder à un état de conscience supérieur. Aucun trépassé ne peut donc nier sa mort, ni rester enchaîné à son ancien environnement. Sans crainte d'être détourné de son chemin, il passe sereinement les Portes de la Vallée Secrète qui se referment alors derrière lui. Ne pouvant plus revenir en arrière, cette âme ne pourra pas hanter les vivants, ni même être conjurée par un mage lunarel ou quelques apprentis invocateurs peu scrupuleux. Ainsi, il n'y a aucun fantôme qui erre à la surface d'Adir. Les vivants n'ont à craindre aucun revenant. Seules les saintes Étoilés brillant au firmament inspirent les mystiques et les futurs saints. Au cœur de la Vallée Secrète, les âmes peuvent librement patienter derrière les Portes que leurs proches les rejoignent, ou bien s'éloigner, s'élever davantage, et continuer sur la voie de leur Existence. Cependant, l'Au-Delà et le monde physique ne sont pas aussi cloisonnés qu'il y parait.

  Seuls les esprits des elfes qui ont été maudits par le Grand Prêtre d'El ne peuvent accéder à la Vallée Secrète et au repos éternel qui se trouve derrière les hauts battants d'obsidienne. Une volonté plus forte que celles des Gardiennes les contraint à hanter les ruines de leurs anciennes cités. C'est la colère et la haine qui les empêchent de poursuivre leur chemin dans l'Au-delà. Tourmentés par l'extinction de leur race par les humains, gémissant sur leur gloire passée et hurlant vengeance par delà les siècles, les spectres dorés agressent quiconque aurait le malheur de les rencontrer. Ils dévorent l'esprit de leurs victimes et les rendent folles jusqu'à la mort. Ainsi, les elfes damnés préservent intact les trésors et les secrets de leur grandiose civilisation. Ils n'ont qu'un désir : reconquérir leurs terres et leur puissance d'antan ! Leur malédiction empoisonne la nature, laquelle engendre alors des aberrations aussi cruelles et assoiffées de sang que leurs créateurs.


    Maudits également sont les Silths. Autrefois, ils étaient des âmes éveillées, des saints dont la lumière spirituelle se matérialisait au firmament par le rayonnement d'une étoile. Certains ont déchu par mélancolie, par abandon, par oubli, mais aussi par colère ou par devoir. Callios, l'Etoile de la Mort, est le premier Silth, et de fait, leur souverain . Ces "démons" (au sens littéral du terme : ces entités qui font le lien entre le plan physique et un autre monde supérieur), sont certes damnés mais pas fondamentalement mauvais, car leur damnation n'est pas le fruit d'une faute ou bien d'un rejet de la divinité. Les Silths ne sont clairement pas à leur place dans le monde physique. Leur irruption malheureuse perturbe l'éther et modifie le flux des énergies surnaturelles. Leur présence en nombre est signe de catastrophe et leur contact glacial est mortel. Mais c'est en voulant soulager les êtres vivants de leurs souffrances et de leurs fardeaux qu'hélas ils les tuent. Seules les petites filles peuvent supporter leur aura. On raconte que les Silths leurs confient de grands secrets lors de jeux, mais que tout est oublié lorsque ces enfants deviennent pubères. Si quelques démons rodent la nuit autour des forts isolés de l'Outre-Ezar, à la recherche d'un peu de clarté et de chaleur, plus nombreux sont ceux qui ignorent les vivants et coulent une éternité triste et obscure dans la solitude et le grandiose de site naturels reculés. Ils flottent dans les airs, enveloppés d'ombres et décharnés. Attendent-ils une rédemption ? L'heure de l'ultime Jugement ? Le déclin d'Yssel semble hélas contrarier leur espérance de reconquérir le firmament, poussant quelques spectres plus hardis à s'insinuer dans le destin des mortels...

   Comme petit intermède musical à cet article, je vous propose d'écouter "The Way" de Zack Hemsey.



Ceux et celles que l'on nomme "Priants" sont des gardiens qui, de leur vivant, se sont attachées par serment à un lieu, ou ont été sacrifiés à un endroit symbolique précis, pour en maintenir l'équilibre. L'âme d'un Priant reste donc ancrée à son cadavre momifié, protégé des ravages du temps par la puissance magique et la volonté de son esprit. La plupart de ces gardiens sont bienveillants et solitaires. Ce sont des égides contre le Mal, un rempart contre la malédiction elfique. Ils régulent le flux des énergies terrestres, cosmiques et thaumaturgiques. Ils protègent la faune, la flore et les habitants qui les entourent. On ne les trouve que dans le duché de l'Outre-Ezar, dans les marches de l'est du royaume d'Abhorn. Certains de ces Priants bénéficient d'un culte de la part des humains qui leur rendent hommage ou cherchent à attirer leurs faveurs ; ils sont la source de nombreuses superstitions que l'Eglise d'Yssel cherche à étouffer. Hélas, leur puissance décline et leur aire d'influence décroît lorsqu'ils sont oubliés des vivants. Les terres et les troupeaux deviennent stériles et lentement les territoires se dépeuplent au profit des forts et des cités, dont les maux augmentent. Certains Priants se laissent aussi corrompre par leurs anciens désirs et les rêves de leur gloire disparue. En théorie, ces gardiens sont libres de mettre fin à leur sacerdoce. Cependant, ceux qui ont prêté serment devant leur souverain de rester pour protéger le royaume ne peuvent passer de l'autre côté de la Vallée Secrète sans son royal consentement.

     D'autres esprits protecteurs œuvrent encore en dehors de la Vallée Secrète, mêlés aux mortels : les Gardiens du Vide. Ils ne survivent que pour honorer la reine Sans-Nom à travers le sang de ses héritier directs. Choisi parmi les plus valeureux des anciens chevaliers de la Couronne d'Abhorn, ils parcourent les couloirs du palais de Castelclayr lorsque les temps sont incertains. Ces paladins taciturnes à la puissance surhumaine ont été rappelés depuis l'Au-delà grâce à la magie du Dernier Roi Légitime des Elfes, qui seul connaissait le nom secret des Llawynynes. Ils sont tout entier dévoués à la défense de la lignée royale des Clayroy et veillent à ce que jamais n'advienne un nouveau règne du Champion des elfes. On ignore leur nombre exact et leur nom à chacun. Seul le plus ancien d'entre eux est connu des élites : prénommé Morandys, il siège au conclave des Maîtres-Mort, ces obscurs assassins au service du roi. Discrets malgré leur stature imposante, les Gardiens du Vide ne laissent pas de trace dans les esprits les plus faibles ; toute personne issue du commun des mortel et qui en croisera un l'oubliera aussitôt, ne gardant dans le cœur qu'un inexplicable sentiment de peur. Là encore, seul l'ordre d'un prince de sang peut contraindre ces "armures vivantes" à abandonner leur mission éternelle. Celle-ci n'est hélas pas sans douleur. L'arrachement à l'Au-delà et l'enchâssement de leur âme humaine dans d'antiques armures elfiques leur infligent de continuelles souffrances, qu'ils supportent vaillamment grâce à la noblesse de leur cœur.

Jason Chan
     Enfin, il y a ceux que le Destin a "rejeté" de la Vallée Secrète. Il y a ceux qui ont vu, pour quelques secondes, ce qu'il y avait derrière les hauts battants d'obsidienne. Il y a ceux que l'Au-delà n'a pas voulu garder, pour des raisons connues des seules Etoiles saintes du firmament. Ces hommes et ces femmes, qui ont clairement vécu ce que nous appelons dans notre réalité "une expérience de mort imminente", forment la caste des maîtres-Mort. Ils ne sont pas des âmes damnées, mais certains hélas considèrent la révélation qu'ils ont eu comme un fardeau et non une lumière. Ils sont unis par un lien empathique, et tous sont liés à l'esprit de la plus ancienne d'entre eux, chef de leur ordre, Paya la médusienne. Lorsqu'ils reviennent de l'Au-delà, leur âme est à jamais transformée, plus sage mais aussi plus détachée par rapport à leur environnement. Ils effraient souvent le commun les mortels par leur froideur et leur regard immense. Certains Maîtres-Mort ne peuvent plus supporter un retour "normal" à une vie sociale, et se retirent du monde. D'autres se mettent au service des morts : ils font office de thanatopracteur, d'expert en médecine légale, de fossoyeur, etc... Ils n'ont que faire des jeux de pouvoirs entre les seigneurs et les élites locales ; avant tout, ils sont au service des défunts et de leurs familles. De la même manière qu'ils aident les guérisseurs à combattre les épidémies, ils enquêtent sur les crimes et aident les sénéchaux du roi à convoquer les malfaiteurs devant la justice, à laquelle jamais ils ne se substituent. L'aller-retour entre les portes de la Vallée Secrète a protégé leur esprit contre toutes les attaques psychiques et aussi contre la malédiction elfique ; ce sont donc eux que l'on envoie faire des recherches et des fouilles dans les dangereuses ruines hantées. Seul un petit groupe de Maîtres-Mort, membres du "Premier Cercle" prête ses services à la couronne d'Abhorn. Leur mission est de veiller à ce que les anciennes prophéties s'accomplissent et que l'Humanité ne sombre pas dans le Néant. Le déclin d'Yssel, reine céleste du firmament, est l'une de leur principale préoccupation, ainsi que la destinée incertaine du royaume dont le roi est mourant et l'autorité contestée par les grands barons et les rebelles lunarels.

     Pour en savoir d'avantage sur ces étonnants personnages et que le monde dans lequel évoluent, n'hésitez pas à vous plonger dans la saga épique des Pèlerins d'Yssel !

Je vous remercie pour votre lecture.
Bonne continuation et à bientôt !

La Vallée Secrète : un passage vers l'Au-delà.


     Dans les Pèlerins d'Yssel existe un lieu créé par magie pour protéger le monde des vivants de celui des esprits et des morts : La Vallée Secrète. Fondée autour des âmes de deux sorcières elfes jumelles, cette antichambre de l'Au-delà abrite une puissance terrible et d’indicibles dangers pour les voyageurs mortels. Quelques êtres désespérées se risquent pourtant à rencontrer les Gardiennes, espérant follement qu'elles leur permettent de revoir une dernière fois l'être aimé. Oui, car il faudrait être désespéré pour vouloir se risquer dans ce lieu suspendu entre le monde mortel et le monde surnaturel. Fou, désespéré, ou contraint d'y pénétrer par un ennemi redoutable...
     " Entendant le portail magique se refermer, Livie arrêta Cœur-Louve. Quelques secondes plus tard, Argân la dépassa et les guida, Serth et elle, sur un chemin qui, depuis un contrefort montagneux, descendait dans la Vallée Secrète. Il leur restait en effet une bonne heure de route avant de rejoindre Cixie. Prudent, le lunarel n’avait pas fait œuvre de magie dans la Vallée en elle-même. Mais celle-ci était pourtant si proche que la nature commençait à ployer sous son influence. Au fur et à mesure de leur avancée, la végétation rapetissait et se solidifiait insidieusement. Les arbres se recroquevillaient vers le sol, jusqu’à devenir des buissons. Lorsqu’ils atteignirent le fond du vallon, le ciel apparut et déploya sa tapisserie d’étoiles. La nuit était tombée si vite qu’on aurait pu croire qu’elle était éternelle en ce lieu maudit. Les buissons se fossilisèrent jusqu’à ressembler à des rochers. Ces derniers, sculptés par un vent absent et créatif, semblaient vouloir fuir. Ils avaient des formes fantastiques, éclatées comme des druses de cristaux, scintillant et tranchant comme des épées. Il n’y avait plus d’herbe, juste de la roche et du sable gris qui scintillaient à la lumière d’Yssel. Se découpant, toutes noires sur le ciel indigo, des montagnes aux pentes abruptes encadraient le trio. Le cheval de Serth hennit. Aucun écho ne résonnait entre ces murailles naturelles, plus abruptes encore que les pentes des Ravins-Argent. L’air y était lourd comme sous un voile. Livie et la médusienne avaient l’impression d’être de petits insectes se faufilant entre les mailles d’une étole de soie. Argân leur fit rejoindre un large sillon qui les mena jusqu’au but de leur voyage ; la pierre à cet endroit était polie et craquelée comme la surface d’un vieux miroir. Un courant magnétique se faufilait entre les sabots des juments dont les jambes, à chaque pas, s’éclairaient de rares étincelles bleues. La lumière d’Yssel palpitait au raz du sol avec les grains de sable épileptiques. La main sur la garde de la rapière en elférium, Livie observait les alentours, le cœur serré par une douloureuse sensation de déjà-vu. Après sa chute de cheval, six années plus tôt, son âme était entrée là pour rejoindre les Portes de la Vallée Secrète. Le danger ici était réel. A la lumière d’Yssel, les âmes errant par ici pouvaient se matérialiser et agresser les voyageurs de leurs supplications ou de leurs ressentiments. Heureusement, le maître-Mort saurait comment les apaiser. Elle inspira profondément, mais l’air avait du mal à pénétrer ses poumons. Soudain, Cœur-Louve trébucha légèrement. En ce lieu, toutes les énergies vitales s’épuisaient insidieusement. En y prêtant bien attention, et avec de l’imagination, certains rochers ressemblaient à s’y méprendre à des corps pétrifiés… Des lueurs pâles et diffuses se faufilaient d’un amas de pierre à un autre ; mais c’était peut-être bien encore un effet dû à la lumière…


 " Malgré sa vigilance et sa connaissance des lieux, Livie se laissa surprendre. Quand elle s’y attendait le moins, devant elle se dévoilèrent deux hauts pans de falaise noirs et lisses, séparés par un petit espace de ciel à peine discernable. L’entrée de la Passe aux Ames ! Mais celle-ci se trouvait encore bien loin. Ces falaises faisaient déjà partie du royaume des morts. Elles n’étaient que le reflet surnaturel d’une autre réalité qui se laissait timidement entrevoir. C’était ça, la véritable Vallée Secrète. Celle dont personne ne pouvait revenir. L’endroit que venait de traverser le trio n’était finalement qu’une sorte d’antichambre. Et entre les deux univers, il y avait bien entendu un passage. Il se trouvait là, au milieu du paysage, au bout de cet étrange sillon de verre. Immenses, massives, hiératiques, les Portes de la Vallée Secrète ressemblaient à l’entrée d’une antique forteresse elfique, sans les murs et les ruines tout autour. C’était juste un encadrement en belles pierres de marbre gris qui soutenait deux battants d’obsidienne. Le tout semblait être suspendu entre ciel et terre, maintenu debout par les rayons stellaires dans un état de grâce presque absurde. Car cette vision avait véritablement quelque chose d’incongru, autant que de solennel ; qui se serait attendu à une telle chose ? Cette construction d’une beauté épurée avait de loin un aspect des plus… inoffensifs. En se rapprochant un peu plus… Serth découvrit les inscriptions elfiques gravées dans le linteau. Un symbole solaire ornait son milieu. Mais les statues étaient le plus impressionnant. Il y en avait deux, chacune étant incrustée dans un des battants de la porte ; leurs formes féminines dépassant gracieusement de la surface du verre. Les traits de leur visage, la souplesse de leurs cheveux et le drapé de leur robe étaient si finement ciselés qu’ils leur donnaient l’impression d’être seulement endormies. Belles et figées pour l’éternité, les Llawynynes, gardiennes jumelles de la Vallée Secrète, se tenaient la main au-dessus de l’interstice, scellant ainsi l’entrée à tous les êtres vivants ou indésirables et la sortie à toutes les âmes tourmentées. Leur autre bras était replié contre elles ; la main au creux de l’estomac tenait les lourds anneaux qu’il fallait soulever et faire résonner pour faire honorer une requête. Mais seul un géant aurait pu atteindre et soulever de telles poignées."

Les Pèlerins d'Yssel, tome 2 : les Vengeurs, chapitre 25.


    Qui a-t-il de l'autre côté de ces imposantes portes ? La réponse se trouve en partie dans les Vengeurs !

    Et voici de quoi vous plonger un peu plus dans les méandres de l'Au-delà du monde imaginaire d'Adir.

 


    L'élaboration de cette Vallée Secrète tire sans doute son origine de mon expérience de mort imminente et de ma propre approche de la spiritualité et du monde invisible. On peut rapprocher ce lieu transitoire de la Vallée de la Mort, issue des textes bibliques et de certains récits de NDE. Et en cherchant plus loin, je me suis souvenue d'une autre vision, celle de l'Oracle dans le film l'Histoire Sans Fin. Nul doute que cette ambiance nocturne, ces colosses bleutés et solennels, et enfin ce paysage désertique et d'une grande sérénité, m'ont influencée.

Merci pour votre lecture.
Bonne continuation et à bientôt !

Complément de cet article ici : Esprits errants et âmes damnées...